1978 – Le Monde – Un appel au courage politique

Si l'année 1978 a marqué, pour le projet de canal Rhin-Rhône, une indéniable accélération, avec la déclaration d'utilité publique, la question du financement restait dans les limbes, si bien que la situation était toujours aussi confuse.

En juillet (le 31) de cette année-là une tribune dans Le Monde en appelle, au moyen d'un exercice de pédagogie, à une clarification des intentions politiques.

« La rentabilité de l'opération est faible et, dans une France qui aborde une période difficile avec un réseau de communications (autoroutes, chemins de fer, téléphone) encore incomplet, l'intérêt national commande de ne pas se tromper et de réaliser d'abord les infrastructures les plus rentables et les mieux adaptées au développement de notre économie. »

À ceux qui invoquent les impératifs d'aménagement du territoire et d'intégration avec les partenaires européens, l'auteur demande un petit effort de prospective.

« Les défenseurs de ces projets ambitieux et séduisants imaginent déjà des milliers d'hectares de zones industrielles échelonnées le long de ces voies d'eau et peuplées d'industries de première ou de seconde transformation, les seules qui puissent être intéressées par ce type d'implantation et par ce moyen de transport. Or, comment peut-on s'imaginer que le développement de la France, dans les prochaines décennies, conduise à façonner de tels paysages ? Au fil des ans, le jeu de la concurrence internationale nous contraindra à fabriquer des produits de plus en plus élaborés, intégrant toujours plus de technologie, qui réclameront des moyens de transport sûrs, rapides et sans ruptures de charge. »

Le texte, qui ne rate aucune des incohérences du projet, rappelle enfin des faits de la géographie et de l'économie.

« Celle-ci (la voie d'eau) garde tout son intérêt sur quelques grands fleuves qui permettent, pour des coûts d'aménagement relativement faibles, le transport de charges unitaires très élevées. Il en va tout autrement des franchissements de seuils qui, dans la perspective de nos économies futures, apparaissent comme de véritables "lignes Maginot". »

Et de conclure par une belle formule « En politique, le courage c'est parfois de renoncer ».